Hommage à Théodore Monod

Nous rendons hommage à Théodore Monod, qui fut notre président d’honneur et un soutien précieux. Il nous a apporté beaucoup, rendant son souvenir très vivant et souvent encore d’actualité.

Comme le montrent les documents que vous pouvez visionner sur notre site, il a partagé avec ses amis habitant Sahara ou ailleurs, tant de moments de connaissances et de questionnements sur les découvertes à venir.

Vous trouverez ci dessous un documentaire mis à disposition par notre administratrice Madeleine Seemann et une somme de documents mis en ligne par notre administrateur Bernard Adell, fondateur du musée saharien http://museesaharien.fr/theodore-monod.fr

Chers amis(es) du Comité Rhône-Alpes,

Le 22 novembre 2000, Théodore MONOD nous quittait pour d’autres horizons lointains…!

La situation sanitaire actuelle ne nous permet pas de lui rendre hommage au cours d’une de nos rencontres sahariennes mensuelles, aussi je vous propose de le revoir dans une vidéo réalisée à l’occasion de l’émission Les 4 vérités en 1997.

Les 4 vérités : Théodore Monod, scientifique / vidéo 09 avril / 1997 5101 vues / 07min 12s

Le journaliste Gérard LECLERC reçoit Théodore MONOD, le naturaliste nomade coureur de désert, qui fête aujourd’hui ses 95 printemps. Il attribue cette longévité à une bonne hérédité, une vie saine et frugale accompagnée de jeûne…
Il revient sur les hasards de sa carrières qui l’ont amené au désert et obligé à s’intéresser à d’autres sciences que la zoologie. Il explique son jeûne de Taverny, en souvenir des bombes de Hiroshima et Nagasaki, date à partir de laquelle nous sommes entrés dans l’ère atomique. Peu optimiste sur l’avenir, il sait que l’homme continuera à aimer la guerre, l’argent et le profit.

Nous aurons, je l’espère, l’occasion d’évoquer sa mémoire en 2021, lorsque nous pourrons de nouveau nous réunir autour d’une conférence ou d’une projection.

En vous souhaitant de terminer cette année dans de bonnes conditions, recevez mes meilleures salutations sahariennes.

Madeleine SEEMANN
présidente du Comité Rhône-Alpes
Téléphone : 06 74 84 41 06
E-mail : madeleine.seemann@wanadoo.fr

Sébastien Boulay : « La tente maure est l’emblème de l’identité bédouine »

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© Sébastien Boulay

Sébastien Boulay est docteur en anthropologie, maître de conférences à l’université Paris Descartes. Ses champs de recherche concentrés sur tout l’Ouest saharien concernent les sociétés sahariennes, la culture matérielle, la poésie politique, le patrimoine, l’environnement, les mobilités…. S’il travaille aujourd’hui prioritairement sur les identités numériques et la circulation des messages politiques sur le web dans le Sahara, il continue à enrichir le sujet de  sa thèse de doctorat, soutenue en 2003, qui était consacrée à l’évolution de la tente bédouine en Mauritanie. Il y décrivait comment cet objet qui avait perdu de son utilité en raison de la sédentarisation des populations nomades a trouvé une nouvelle place dans la société mauritanienne.

 

La tente est indissociable de l’image du nomade saharien. Ceux-ci se sédentarisant, est-elle amenée à totalement disparaître ?
Ce n’est pas pour tout de suite. D’abord, au sein des groupes de pasteurs nomades, la tente garde encore aujourd’hui son statut d’habitation principale de la famille. Bien sûr, dès la sédentarisation, elle est vite abandonnée au profit d’un habitat en dur, fixe. Cette étape accompagne le changement du mode de vie.
Toutefois, la plupart du temps, la tente originelle est conservée dans une pièce de la maison. Elle peut à tout moment être remontée pour constituer un abri secondaire d’agrément. En revanche, la tente connaît un renouveau manifeste chez les citadins de longue date. D’abord parce qu’elle reste le type d’abri le plus adapté au climat mauritanien. Ensuite, et surtout, parce qu’elle est investie de nouvelles valeurs et est mise au cœur de démarches identitaires.

 

Comment, en ville, la tente a-t-elle pu acquérir ce statut d’emblème de l’identité bédouine ?
À première vue, elle n’avait plus vraiment de raison d’être dans des villes comme Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. Pourtant, surtout chez les premières générations de citadins, ceux arrivés dans les années 70 et 80, elle est très présente. Comme abri d’agrément. Elle est montée à demeure, devant la maison ou sur le toit terrasse. Profitant du confort qu’elle apporte lors des grosses chaleurs, elle est utilisée comme espace de réception en lieu et place du salon de la maison. À tel point qu’on peut y trouver une télévision…
Lors des événements importants, comme les mariages, plusieurs tentes sont dressées pour accueillir le reste de la famille et les amis. Toutefois dans ce cas, son statut change car il est question de tentes modernes, à la décoration sophistiquée. Elle devient un objet ostentatoire qui témoigne du statut social.
Enfin, elle est utilisée lors de l’hivernage, une pratique remise à la mode depuis une quinzaine d’années et encouragée par les autorités. La route principale au sud de Nouakchott est alors bordée de chaque côté de tentes blanches constituant des campements de néo-bédouins. Des familles s’y installent pour des périodes de deux semaines à trois mois. Femmes et enfants y vivent, les pères repartant travailler chaque jour en ville. La première motivation de ces familles est de retrouver la vie bédouine qu’ils ont connue dans leur enfance ou que leurs parents leur ont racontée. Le paradis perdu, le retour à la nature.

 

Quels enseignements sur la société maure actuelle peut-on tirer de l’observation de la place de la tente ?
Dans la société nomade, c’était un objet social total. Avec la sédentarisation, elle a été délaissée. Elle est petit à petit devenue un objet d’agrément ou de loisir, acquérant le statut d’emblème vivant d’une culture révolue et, pour les citadins les plus installés, un objet d’ostentation. Ces différents usages sont autant de reflets des multiples facettes d’une société à plusieurs vitesses, en pleine crise de valeurs. Il faut noter que la tente honorée en tant qu’accessoire emblématique du retour à la brousse par des citadins nostalgiques, n’a pas été retenue dans les programmes de valorisation du patrimoine, plus influencés par des critères occidentaux.
Mais je n’en ai aucun doute, la tente des Maures a encore de nouvelles et singulières carrières devant elle, accompagnant durablement les changements de la société.

Abdelkader Hiri : « À Tamanrasset, les gens appellent la spiruline le sang vert ! »

SpirulineAbdelKader Hiri est docteur en géophysique-géomagnétisme de l’université parisienne Pierre et Marie Curie (UPMC). En juin dernier, il a participé au Salon des Solidarités, à Paris, pour présenter la spiruline du Hoggar et l’association Sahara Spirulina qu’il a créée à Tamanrasset. Cette association a pour but d’assurer le développement et la promotion de cette algue microscopique aux propriétés nutritionnelles exceptionnelles. Une algue très à la mode mais connue et consommée au Sahara depuis des millénaires, en particulier au Tchad sous le nom de dihé.

Depuis quand vous intéressez-vous à la spiruline ?
Depuis une quinzaine d’années. C’est la mise au point du milieu de culture basique de cette micro algue avec les sels minéraux locaux qui m’a pris le plus de temps. Maintenant, c’est fait ! Je produis de la spiruline à Tamanrasset pour la faire connaître, pour former de futurs algoculteurs de spiruline en zones arides, encadrer des travaux d’étudiants et contribuer localement à lutter contre la malnutrition dans le monde. En effet, la spiruline contient presque 70 % de protéines. Elle est reconnue comme un complément alimentaire également très riche en vitamines et en acides aminés. Elle possède une digestibilité exceptionnelle, identique à celle du lait maternel, ne nécessite aucune cuisson ni traitement spécial et ses constituants sont directement assimilables par l’organisme. La spiruline peut être administrée aux enfants en cas de carence en vitamines, malnutrition, troubles de l’attention ; aux personnes âgées manquant d’oligo-éléments ou d’acides gras essentiels ; aux femmes enceintes, avant et après l’accouchement puis pendant l’allaitement, pour lutter contre la carence en fer ; aux malades suivant une chimiothérapie déséquilibrante, souffrant d’anémie…

Qu’est-ce que la spiruline peut apporter dans cette région du Sahara ?
Pour cultiver la spiruline il faut de l’espace, du soleil, un peu d’eau, de la chaleur et des sels minéraux. Tous ces éléments se trouvent au Sahara. Sa production est simple à mettre en œuvre car la souche est maintenant disponible sur place. En effet sur les indications du docteur Étienne Boileau, j’ai pu localiser en 2004, dans le massif cristallin du Hoggar, quelques filaments de spiruline. Après avoir reconstitué le milieu de culture naturel de ces filaments, présents en ces lieux depuis plusieurs millions d’années, le processus s’est amorcé : cette souche est devenue la souche du Hoggar BEHATAM (pour Boileau, Étienne, Hiri Abdelkader, TAManrasset, ndlr). Notre spiruline a déjà obtenu de très bons résultats : par exemple, nous espérons pouvoir venir en aide aux paludéens. Et quand elle fond dans la bouche, cette algue laisse sur la langue pendant quelques minutes une trace verte due à la forte teneur en chlorophylle qu’elle contient : à Tamanrasset, les gens l’appellent « le sang vert ». Aujourd’hui, en Algérie, les bienfaits de cette algue commencent à être connus et le développement de cette algoculture est de plus en plus envisagé.

Comment s’organise votre production ?
Nous avons le soutien des autorités locales pour le démarrage de la première unité de production de spiruline en Algérie. Cette unité prévoit dans l’avenir une production de 20 kg/jour de spiruline une fois la vitesse de croisière atteinte. Nous avons construit 15 bassins de 20 m² chacun, 4 bassins de 4 m² et 6 bassins de 2 m². Le développement avance au rythme de nos capacités de financement. Actuellement, nous produisons de petites quantités de spiruline, environ 40 grammes/jour de spiruline sèche que nous donnons aux personnes qui en ont besoin. Notre association Sahara Spirulina organise aussi des stages d’initiation à la culture de la spiruline pour les mères de famille et des sessions d’information ayant pour thème alimentation et spiruline.

Thierry Tillet : « Les héros mythiques touaregs sont toujours vivants »

touaregArchéologue et explorateur saharien, Thierry Tillet est revenu d’un long périple au Maroc et en Mauritanieavec pleine choses à raconter. Il prépare le récit de ce voyage. En attendant, il a animé pour notre comité Ile-de-France, le 13 mai 2014 à Paris, une soirée consacrée aux héros mythiques Touareg Anigouran, Adelasegh, Amerolqis, Elias et Abou d’Elias, avec la complicité du conteur Ahmed Abdoulaye Boudane et du chanteur Moussa Bilalan Ag Ganta. Nous l’avons interrogé sur ces personnages de légende dont les caractères nous permettent de mieux comprendre le monde touareg…
Comment votre intérêt pour les personnages mythiques de la culture touarègue est-il apparu?
Pendant de nombreuses années, alors que j’étais concentré sur mes recherches scientifiques de préhistorien, j’ai entendu mille et une versions des histoires associées à ces personnages. Ces histoires ont nourri mon imaginaire et, peu à peu, je m’y suis intéressé plus précisément. Mes amis là-bas comme Liman ag-Feltou, le neveu de Mano Dayak, se sont fait un plaisir de me les raconter encore et encore. Les hommes ont appris ces histoires de leur mères et grand-mères. En effet, ces histoires étaient traditionnellement racontées par les personnes âgées, en particulier les femmes qui parlent beaucoup aux enfants. Réels ou fictifs, ces personnages mythiques servent à enseigner le code de conduite qu’est l’achat, ce code qui régit la vie des Touareg.
Qui sont les principaux héros de la mythique touarègue ?
Il s’agit d’Anigouran, d’Adelasegh, d’Amerolqis, d’Elias et d’Abu d’Elias. Les noms et leur prononciation varient d’une région à l’autre puisque la transmission est orale et que rien n’est figé par l’écriture. Par exemple, à travers tout le Sahara, Anigouran peut aussi bien s’appeler Aligouran, Arigullan, Anougouran, voire Amamellen. Il possède la clarté, fait preuve de discernement, c’est un modèle de sagesse.
Qu’arrive-t-il à ces personnages qui leur vaut un tel intérêt ?
Par exemple, c’est à Anigouran que l’on devrait l’invention de l’écriture gravée sur les rochers de l’Aïr, le tifinagh ancien. Il aurait inventé cette écriture pour que son neveu Adelasegh, capturé avec sa sœur par des brigands, puisse retrouver son chemin grâce aux messages codés en tifinagh qu’il avait gravé sur les rochers de l’Aïr et qu’Adelasegh était alors le seul à les décoder…
Anigouran s’est aussi livré à de grandes joutes orales avec son neveu sans qu’aucun des deux ne l’emportent, sans oublier les nombreuses épreuves exigées par Anigouran envers Adelasegh. Anigouran aurait désigné l’emplacement de la création de la ville d’Agadès, en projetant sa lance depuis Tadaliza, au bord de l’oued Telwa.
Quant à Amerolqis, dont le nom pourrait venir d’un grand poète d’Arabie, Imrou el-Qays du VIème après J.C., il appartient au monde préislamique. Puissant et intelligent, c’est un géant et un grand coureur de femmes. Mais il est trop grand, trop fort et il les effraie. Alors, pour les apprivoiser, il aurait inventé l’imzad, cet instrument de musique dont jouent les femmes touarègues.
En fait, si les attributs de ces personnages mythiques ne sont pas très distinctifs ils font tous preuve d’une grande intelligence et sont dotés d’une grande puissance.
Ces contes et ces personnages mythiques ont fait l’objet d’études approfondies, par exemple celles du géographe Edmond Bernus. Aujourd’hui, des livres de contes touaregs sont édités et faciles à trouver grâce à internet.
Après l’intermède de ces personnages mythiques, quels sont vos projets ?
Je prépare une conférence, pour cet été, sur l’archéologie soufie chez les Kounta, population arabo-berbère résidant surtout dans l’Azawad au Mali, le Tagant en Mauritanie, le Sahara occidental et le sud du Maroc. J’alimente aussi une page Facebook que j’ai créée pour faire connaître l’histoire des Kounta de l’Azawad, en partant d’un célèbre manuscrit dont le contenu était jusqu’à présent très peu connu. Le Kitab al-Taraïf ouat-Talaïde fi Karamat ech-Cheïkheïne el-Oualida que l’on traduit par « Le livre des biens hérités et des biens acquis, sur les vertus des deux Cheïkhs mon père et ma mère » a été écrit par le Cheïkh Sidi Mohammed ben Mokhtar au tout début du XIXème siècle. J’entreprends ce travail de longue haleine avec mes amis Kounta, descendants de la grande famille issue du Cheïkh Sidi Mokhtar al-Kébir, en passant par le sulfureux Cheïkh Abidine al-Kunti.

Céline et Akly, d’Agadez : « Le Festival d’Iférouane a été un succès »

AgadezCéline et Akly gèrent l’agence Agadez Expéditions à Agadez. Ils nous envoient régulièrement des nouvelles de la région. L’actualité est parfois plus dense et ils nous font part de ce qui s’est passé en ce début d’année 2014.

 

Comment s’annonce la saison agricole dans cette région du Niger particulièrement confrontée à la sècheresse ?
Lors de notre passage le 25 février à Timia, blé, agrumes et légumes s’épanouissaient dans les jardins. Mais la dernière saison des pluies, en août et septembre, a été médiocre : l’unique gros écoulement de l’oued de Timia n’a pas permis un réapprovisionnement suffisant de la nappe phréatique. Les nombreux jardins installés sur les berges manqueront d’eau dans les prochains mois. Toutefois, nous avons observé de nouveaux et nombreux jardins dans la vallée de Zomo, à 50 kilomètres au nord-est de Timia, à l’est du mont Goundain, créés entre autres par des paysans de Timia où la terre cultivable manque désormais.
La culture de l’oignon prédomine en Aïr et, selon les cours actuels, elle peut constituer au total un revenu de pas moins de quarante millions d’euros. Il faut noter que les orangers et les dattiers sont de plus en plus cultivés, avec succès : l’orange se vend 0,15 €euros pièce au marché d’Agadez. À l’inverse, en zone pastorale dans l’Aïr comme au sud et à l’ouest d’Agadez, le pâturage est rare et les éleveurs souffrent de la sécheresse.

 

Quels sont les derniers faits marquants de la vie dans l’Aïr ?
Agadez a accueilli le docteur Lalla Malika Issoufou, épouse du président de la République le vendredi 21 février. Cette visite de la première dame du Niger, présidente de la Fondation Tattali-Iyali à vocation humanitaire, s’est accompagnée par des distributions de matériels, de médicaments, de vivres tant pour les hôpitaux et les prisons que pour les villages.
Du 20 février au 9 mars, la ville a résonné du bruit des atterrissages des avions militaires de l’opération Flintlock. Cette année, cet exercice de coopération militaire internationale a regroupé 18 pays. Pour l’occasion, un camp militaire a même été construit au sud de l’aéroport.

 

Qu’en est-il de la vie culturelle et quelles sont les perspectives de reprise du tourisme ?
Après des années difficiles, Iferouane renoue avec la vie : le festival 2014 a été un véritable succès. Les avions transportant le premier ministre Brigi Rafini, des membres de son gouvernement et d’autres personnalités ont pu atterrir grâce à la piste de 1 500 mètres de long qui a été récemment refaite. À cette occasion, le premier ministre a invité ministres, députés et personnalités à découvrir, le temps d’un bivouac, la bordure du Ténéré à l’est de Chiriet.
Les touristes n’étaient hélas pas au rendez-vous, la zone Nord étant toujours déconseillée par la plupart des chancelleries occidentales. Cela n’a pas empêché une vingtaine d’européens amoureux et connaisseurs de la région de faire le déplacement. Ils ont été accueillis à bras ouverts par les habitants de l’Aïr impatients de les voir sillonner à nouveau leur région.
La jeunesse musicienne d’Agadez, guitare touarègue en tête, se produit régulièrement à l’Alliance française, une association nigérienne qui dispense des cours de langues et d’arts martiaux et dispose d’une bibliothèque de plus en plus fréquentée par les scolaires. Plus loin, les bâtiments de la future université s’élèvent sur la route d’Azel.
En ce qui nous concerne, nous espérons pouvoir à nouveau faire découvrir à des touristes l’Air et la bordure du Ténéré, les inviter à participer à la cure salée et les accueillir à l’Auberge d’Azel.

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