Chocs climatiques, mauvaise gouvernance et crise des réfugiés au Sahel

La crise climatique au Sahel s’aggrave : désertification, pénurie d’eau et corruption plongent des millions de Nigérians, Nigériens et Camerounais dans l’exil. Une enquête dévoile les causes profondes de cet effondrement humain et environnemental.

Dans les régions du nord du Nigeria, comme à Bultu Briya, les puits se sont asséchés et les champs autrefois fertiles ont disparu sous les dunes. L’eau devenue toxique, la terre stérile, les habitants n’ont d’autre choix que de fuir vers le Niger, le Cameroun ou la Libye. Le Sahara progresse désormais de 0,6 km par an, transformant le Sahel en une mer de sable. Les données satellitaires confirment cette avancée implacable et la disparition de plus de 90 % de la couverture végétale dans certaines zones.

Ces bouleversements écologiques bouleversent les vies : des milliers de familles vendent leur bétail, quittent leurs villages ou meurent de soif. Dans ce chaos, les plus jeunes tentent des routes périlleuses vers le nord, rêvant d’une survie incertaine en Libye, où ils subissent exploitation et violences.

Gouvernance défaillante et corruption climatique

Face à ce désastre, les États sahéliens n’ont pas su répondre. Au Nigeria, le Fonds écologique national, censé freiner la désertification, est devenu un symbole de corruption. Des milliards de nairas disparaissent sans qu’aucun projet concret n’atteigne les villages sinistrés. Dans l’État de Yobe, un ambitieux programme de trois millions d’arbres s’est évaporé : sur le terrain, seules quelques tiges desséchées témoignent d’une promesse trahie. Les populations, abandonnées, parcourent jusqu’à sept kilomètres chaque jour pour trouver de l’eau potable.

Les experts dénoncent une politique descendante, déconnectée des réalités locales. Les fonds, mal distribués, échappent aux communautés qui en ont le plus besoin. Sans implication directe des habitants, affirment-ils, aucune stratégie d’adaptation durable n’est possible.

Une crise régionale et humaine

Les effets de cette catastrophe dépassent les frontières. Au Niger, plus de la moitié des terres montrent des signes de dégradation, et plus de deux millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë. Au Cameroun, la rareté de l’eau et la pression démographique nourrissent des conflits entre agriculteurs et éleveurs, souvent issus des migrations forcées du Nigeria. Les frontières poreuses du Sahel deviennent des lignes de tension, où se mêlent crise climatique, pauvreté et violence.

Dans les camps de réfugiés camerounais, des familles comme celles d’Abubakar ou de Christiana survivent difficilement. Parties pour fuir la sécheresse et Boko Haram, elles se heurtent à la même misère de l’autre côté de la frontière. « Je veux rentrer chez moi, dit Abubakar, mais chez moi doit être sûr. Et la terre doit revivre. »

Entre COP et impuissance politique

La COP29, tenue à Bakou, n’a pas su offrir de réponses concrètes aux pays sahéliens. Malgré la promesse de 300 milliards de dollars annuels d’ici 2035, les mécanismes d’aide restent flous. Les organisations internationales, comme le HCR, alertent sur une aggravation des déplacements forcés, tandis que les gouvernements africains réclament une gouvernance plus transparente et des financements adaptés aux besoins locaux.

Les chercheurs appellent à une approche ascendante : renforcer la résilience communautaire, restaurer les sols, créer des forages et impliquer les habitants dans la gestion des ressources. Sans cela, préviennent-ils, le Sahel risque de devenir le théâtre d’une migration climatique permanente, où les populations fuient d’un désert vers un autre.

Retrouvez cet article in extenso sur le site « Les Echos du Niger »